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Garantie décennale et désordres affectant les éléments d'équipement

Garantie décennale et désordres affectant les éléments d'équipement

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Lorsqu'elle est déclenchée, la garantie décennale constitue un recours majeur pour le maître d'ouvrage qui peut agir pendant 10 ans à compter de la réception de l'ouvrage. La question s'est toutefois posée de savoir si les éléments d'équipement sur l'existant relèvent également de la garantie décennale. Sur ce point les avis ont divergé, jusqu'à une décision rendue le 21 mars 2024. Les juges considèrent désormais que ces éléments d'équipement ne constituent pas des ouvrages et n'ouvrent donc pas la voie à la garantie décennale. Les éléments d'équipement relèvent toutefois de la responsabilité contractuelle de droit commun. Quel est l'impact d'une telle décision ? Nous vous éclairons dans cet article.

Dommages causés par un insert de cheminée et garantie décennale

Dans l'arrêt rendu le 21 mars 2024, un couple avait acheté un insert de cheminée présentant des défauts et entraînant l'incendie de leur maison. Les juges ont considéré que l'insert n'est pas un ouvrage puisque son installation dans un conduit de cheminée n'impacte pas le gros oeuvre de l'immeuble. Partant de ce constat, l'insert de cheminée est un élément d'équipement adjoint à l'existant qui ne relève pas de la garantie décennale.

Traditionnellement, les juges estiment que les éléments d'équipements adjoints aux constructions existantes ne relèvent pas de la responsabilité décennale des constructeurs puisqu'ils ne sont pas constitutifs d'ouvrages. Pour appuyer sa position, la jurisprudence se base sur l'article 1792 du Code civil définissant la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale. En outre, l'article 1792-2 du Code civil prévoit que cette responsabilité s'étend aux dommages affectant la solidité de l'ouvrage lorsqu'ils sont indissociables avec l'ouvrage en lui-même (fondation, ossature, clos, couvert ...). Or, un élément d'équipement est indissociable de l'ouvrage quand son installation ou son retrait affecte l'ouvrage principal en le détériorant.

En pratique, si les éléments d'équipement sont dissociables de l'existant, le client peut intenter une action au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun ou bien sur le fondement de la garantie biennale de bon fonctionnement.

Eléments d'équipement dissociables de l'existant rendant l'ouvrage impropre à sa destination

Qu'en est-il des désordres affectant des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage existant tout en le rendant impropre à sa destination ? C'est notamment le cas d'une chaudière installée dans un immeuble par exemple. Sur cette question, les juges ont tenté à de nombreuses reprises d'assouplir leur position depuis 2017 en admettant que les désordres affectant ces éléments d'équipement pouvaient donner lieu à une action en responsabilité décennale. Cela, à condition de prouver que les dommages ont bien rendu l'ouvrage principal impropre à sa destination.

Ainsi, à compter de leurs arrêts en 2017 les juges semblaient tenir principalement compte de l'impropriété de l'ouvrage à sa destination, même en présence d'éléments d'équipements dissociables et adjoints à l'existant. L'objectif était notamment de protéger au mieux le maître d'ouvrage grâce à la présomption de responsabilité décennale.

Eléments d'équipement sur l'existant : volt-face sur l'appréciation de la garantie décennale

La jurisprudence visant à ouvrir le champ de l'action en garantie décennale aux éléments d'équipement sur l'existant n'a pas réellement porté ses fruits avec les années. En effet, cela ne s'est pas traduit par une meilleure protection du maître d'ouvrage ni par une meilleure indemnisation.

Face à ce constat, les juges ont décidé de revenir à l'état initial en affirmant à nouveau que les éléments d'équipement par adjonction ou en remplacement d'un ouvrage existant ne constituent pas des ouvrages et ne relèvent donc pas de la garantie décennale. Ces éléments d'équipement relèvent toutefois de la responsabilité contractuelle de droit commun, qui n'est pas soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs contrairement à la garantie décennale souscrite obligatoirement par les artisans du bâtiment. Les juges ont donc considéré que les dommages causés par un insert de cheminée défectueux ne relèvent pas de la garantie décennale ni de la garantie biennale mais bien de la responsabilité contractuelle classique.

Nouvelle définition des travaux visés par la responsabilité contractuelle

L'arrêt rendu le 21 mars 2024 vient redéfinir les contours des travaux concernés par la responsabilité contractuelle de droit commun. Ainsi, certains éléments considérés comme de simples équipements dissociables ne relèvent pas de la garantie décennale. C'est le cas de l'insert de cheminée qui n'affecte pas la structure ni la pérennité de l'ouvrage dans son ensemble. Bien que lié à la construction, l'insert de cheminée peut en principe être retiré sans que cela ne détériore l'intégrité de l'ouvrage dans son ensemble. Cela explique pourquoi il ne relève pas de la garantie décennale. Cette précision est cruciale puisqu'elle déplace la nature de l'obligation du maître d'oeuvre. En la matière, la responsabilité contractuelle classique n'est pas soumise à l'obligation d'assurance du constructeur et la charge de la preuve incombe pleinement au client.

Quelles conséquences pour le maître d'ouvrage et le constructeur ?

Le changement de position adopté par les juges a un impact notable pour les maîtres d'ouvrage et les professionnels du bâtiment. La principale conséquence de cette décision est le fait que la pose d'éléments comme l'insert de cheminée, la pompe à chaleur ou le ballon d'eau chaude n'ouvre plus droit à une action en garantie décennale.

La responsabilité en garantie décennale ne concerne que les éléments d'équipement intégrés lors de la construction de l'ouvrage ou constituant en eux-mêmes des ouvrages à part entière. Le retour à une stricte application de la garantie décennale signifie que le maître d'ouvrage devra toujours apporter la preuve de la faute de l'entreprise afin d'agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Le maître d'ouvrage ne peut donc plus s'appuyer sur la présomption de responsabilité décennale.

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