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Action en garantie décennale en cas de démembrement de propriété

Qu'est-ce que le démembrement de propriété ?

Le démembrement de propriété est un procédé juridique qui consiste à scinder en deux les droits légaux sur un bien immobilier. D'une part, l'usufruitier jouit du bien et en a le droit d'usage (il peut y vivre et le louer). D'autre part, le nu-propriétaire a la propriété du bien immobilier mais ne peut pas y vivre ni percevoir les revenus issus de sa mise en location.

Lorsque l'usufruit prend fin (décès de l'usufruitier notamment) le nu-propriétaire récupère la pleine propriété, ce qui met alors complètement fin au démembrement. En pratique, l'usufruit s'exerce indépendamment de la nue-propriété. Cela signifie que chaque partie exerce ses actions selon ses droits respectifs, indépendamment les unes des autres.

Démembrement de propriété : qui peut agir en garantie décennale ?

Qu'en est-il alors en cas de désordres et de malfaçons compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ? Qui de l'usufruitier ou du nu-propriétaire est en droit d'exercer une action en garantie décennale contre le constructeur responsable des désordres ?

L'arrêt rendu le 13 avril 2023 vient donner quelques précisions importantes sur le champ de cette action en garantie décennale en cas de démembrement de propriété. Les juges indiquent ainsi que l'action en garantie décennale est engagée par l'usufruitier lorsque l'ouvrage est édifié par lui et ce, pendant toute la durée de vie du démembrement de propriété.

En principe, seul le nu-propriétaire est en droit d'agir puisque les malfaçons sur l'ouvrage l'impactent également en raison de son droit de propriété. C'est le cas classique qui s'applique. Toutefois les juges n'ont pas adopté ce point de vue concernant une nouvelle construction, partant du principe que le nu-propriétaire n'est pas tout à fait propriétaire de la nouvelle construction et qu'il n'a donc pas la qualité d'agir à l'encontre du constructeur en se prévalant de la garantie décennale.

Droit d'accession et fin du démembrement de propriété

Dans l'arrêt rendu le 13 avril 2023, les juges attirent l'attention sur le fait que le droit de propriété n'est pas absolu en matière d'action en garantie décennale. Il convient donc de tenir compte des droits de chacun dans l'usage et de la personne à l'origine des travaux.

En effet, si l'usufruitier est à l'origine des travaux et qu'il en bénéficie, il est directement concerné par les désordres. Les droits de l'usufruitier et du nu-propriétaire ne sont pas de même nature bien qu'ils portent sur le même bien immobilier. En pratique, les juges indiquent que dans ce cas précis le nu-propriétaire n'est pas propriétaire de l'ouvrage touché par les désordres, ce qui explique qu'il ne puisse pas exercer d'action en garantie décennale.

Le droit d'accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l'usufruitier a fait construire le bien est soumis à l'article 555 du Code civil et n'a lieu qu'à la fin du démembrement de propriété. Puisqu'il n'est pas propriétaire du terrain, le nu-propriétaire ne peut pas faire valoir la théorie de l'accession telle que prévue à l'article 552 du Code civil et selon laquelle la propriété du sol implique aussi la propriété du dessus.

Quel est le rôle de l'usufruitier dans l'action en garantie décennale ?

En termes de responsabilité, l'usufruitier protège le droit de jouissance qu'il a sur le bien immobilier (cela est d'ailleurs rappelé à l'article 613 du Code civil). Il est donc légalement tenu des frais qui sont liés à la jouissance du bien et des condamnations pouvant avoir lieu à ce titre.

Dans de nombreux arrêts, les juges avaient estimé que l'usufruitier, bien qu'il jouisse de la chose, n'a pas la qualité de propriétaire et à ce titre ne peut pas exercer seul l'action en garantie décennale. Pourtant, l'arrêt rendu le 13 avril 2023 vient contredire cette position en indiquant que l'usufruitier peut agir en cas de nouvelle construction.

Il y a donc lieu de distinguer deux situations : d'une part le principe général, d'autre part le cas d'une construction nouvelle.

Garantie décennale et bien démembré : le principe général

Lorsque l'usufruitier fait réaliser des travaux portant sur un ouvrage déjà existant (sur une toiture par exemple), il ne peut pas exercer seul l'action en garantie décennale. En effet, les juges estiment que la loi attache l'action en garantie décennale à la propriété de l'ouvrage et non pas à sa jouissance. Il revient donc en principe au nu-propriétaire d'agir en ce sens. L'usufruitier peut également agir s'il est mandaté par le nu-propriétaire.

Notons toutefois que l'usufruitier peut tout à fait agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun afin d'obtenir des dommages et intérêts au titre des défauts constatés sur l'ouvrage.

Garantie décennale et bien démembré : la situation en cas de nouvelle construction

La situation est différente lorsque l'usufruitier fait procéder à la construction d'un nouvel ouvrage. En l'absence de convention encadrant les contours de la construction, le droit du nu-propriétaire en matière de garantie décennale n'opère qu'à la fin de l'usufruit. Autrement dit, le nu-propriétaire ne devient pas propriétaire de la nouvelle construction en l'absence de convention et doit attendre la fin de l'usufruit. Ainsi, ce dernier ne peut pas légalement exercer d'action en garantie décennale.

Dans le cas d'une construction nouvelle il convient donc de tenir compte de ce qui a été prévu avec le nu-propriétaire en termes d'accession à la propriété d'un nouvel ouvrage. Il peut donc être intéressant de conclure une convention au préalable afin de préciser le régime rattaché aux constructions nouvelles engagées par l'usufruitier.

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